Le Matin vom 03.12.2002
Les graves incidents qui ont émaillé le match au sommet Bâle - GC reposent la question de la sécurité d’un stade, où chacun, faute de protection appropriée, peut librement pénétrer sur la pelouse ou y jeter ce qu’il veut. La Ligue a ouvert une enquête. Des sanctions exemplaires sont à prévoir.
Nicolas Jacquier
Renaud Tschoumy
3 décembre 2002
Appelons ça le paradoxe helvétique. Quand les stades sont vides, les clubs ne savent plus comment s’y prendre pour les remplir; quand les tribunes, à l’inverse, affichent complet comme cela est dorénavant le cas à Bâle, cela engendre d’autres problèmes, principalement liés à la sécurité (que se soit celle des joueurs et du trio arbitral ou du public). Ce qui s’est produit dimanche au Parc Saint-Jacques avec des jets de projectiles pas toujours identifiés sur le juge de touche d’abord, Fabrice Borer ensuite, Roland Schwegler enfin repose avec acuité la question de la sécurité du Parc Saint-Jacques, un stade, où, en l’absence de véritable contrôle aucune fouille sérieuse , chacun peut manifestement arriver "armé" dans les gradins, notamment ceux de la "Muttenz Kurve" (où sont concentrés les ultras du FCB). Des problèmes encore amplifiés, avant-hier, par l’antagonisme existant entre les deux clubs. Au concept même du stade installer l’entrée et la sortie des joueurs au pied du kob bâlois, donc à portée de projectiles, représente déjà une aberration en soi s’ajoute une organisation manifestement lacunaire...
Aucune incidence pour la Ligue des champions
Que va-t-il se passer maintenant? A la suite des tristes événements de dimanche, la Ligue a décidé d’ouvrir une enquête. Le dossier ainsi que le rapport détaillé d’Urs Meier seront transmis à la commission de discipline, laquelle auditionnera sans doute des témoins. A l’arrivée, de fortes sanctions, allant d’une simple amende à la suspension de stade (pour un, voire plusieurs matches) ou à l’obligation d’installer partout des places assises (ce qui n’est pas le cas en championnat), risquent de lourdement pénaliser le FC Bâle, le priver peut-être d’une ou de plusieurs recettes conséquentes, presque toutes les places du tour final étant déjà vendues. Présidée par Odilo Bürgy, la commission de discipline pourrait aussi décider de frapper rétroactivement fort en donnant à Bâle et pour l’exemple match perdu 0-3 par forfait. Elle pourrait aussi choisir de condamner le club rhénan à disputer son prochain match à domicile à huis-clos, ou interdire au noyau dur de ses supporters d’y assister. "Ces événements ne resteront pas impunis, promet Me Bürgy. Il s'agira bien plus que d'un avertissement, si je me réfère aux images de la télévision."
Certitude: ces sanctions prévisibles ne concerneront pas la Ligue des champions, ne s’appliquant qu’au niveau helvétique. "Les sanctions prises par La Ligue n’auront aucune incidence au niveau de l’UEFA et de la Ligue des Champions", explique Edmonz Isoz. Bâle pourra ainsi accueillir le plus normalement du monde la Corogne et la Juventus au printemps.
"Sur 33 000 personnes, à peine 1% se comporte comme des imbéciles, reprend le patron de la Ligue. Avant d’attendre le premier mort, il convient de sévir, de mettre Saint-Jacques sous surveillance. Au-delà de la sécurité à améliorer, il faudrait davantage responsabiliser les gens. Pour une minorité, les stades sont devenus des lieux de défoulement, un exutoire de leur mal-être." Alors quoi, peut-on éduquer des hooligans en puissance? Dimanche, certains ont détestablement lancé une nouvelle pièce au dossier de la violence, en alimentant cette chronique de la haine ordinaire. En touchant trois cibles humaines, on est moins sûr qu’ils aient atteint leur but.
Le directeur de la ligue Edmond Isoz
"Il faut durcir la loi"
"C’est un cas sérieux. Historiquement, c’est la première fois que l’on rencontre autant de problèmes dans un seul match..." Directeur de la Ligue, Edmond Isoz suit de près le dossier du stade bâlois, conçu sans grillages suivant en cela les recommandations de la FIFA "qui ne veut plus mettre les gens en cage". Comment réagir? Que faire? Courant le risque d’être déboutée par le Tribunal arbitral (ce qui s’est passé suite à l’amende infligée au FC Zurich pour les agissements de ses supporters), la Ligue se retrouve en partie démunie. "Les Anglais peuvent prendre des sanctions sur le plan civil, au niveau du droit. L’équivalent n’existe pas en Suisse. On n’a pas de panoplie répressive pour sanctionner durement les hooligans. Il faut durcir la loi." Concrètement, Bâle pourrait s’épargner quelques jets d’objets en prolongeant le tube de moutarde (tunnel). "Cela ne change en revanche rien pour le problème de Borer ou du juge de touche, à portée de canette." En jouant dans un stade plein, Bâle paie aujourd’hui la rançon du formidable engouement populaire qu’il a su créer. Une rançon qui n’est pas près de concerner les clubs romands.
Le chef de la sécurité Beat Meier
"Tout a été mis en œuvre"
Chef de la sécurité du Parc Saint-Jacques pour la société Basel United, Beat Meier ne tolère pas les débordements de dimanche. Mais n’y est-il pas pour quelque chose? "Non, coupe-t-il. Je refuse d’endosser cette responsabilité. A Bâle, et l’UEFA vous le confirmera, nous mettons en place un service de sécurité que peu de clubs européens arrivent à égaler. Lors de chaque match, ce sont 220 personnes qui sont engagées."
Alors, comment en arriver là? "Il y a une foule de petits détails qui peuvent l’expliquer. Parmi ceux-là, la prestation d’Urs Meier, avec lequel je n’ai aucun lien de parenté et qui est à mon avis le meilleur arbitre de Suisse. Mais il n’a pas été bon dimanche."
Mais de là à ce qu’on utilise des barres de fer et des canettes comme projectiles... "On a aussi lancé des briquets et des pièces de monnaie. Doit-on en arriver à confisquer ce genre d’objets? Franchement, non. Maintenant, nous attendons le verdict de la Ligue. Tout dépendra du rapport de M.Meier. Que l’on soit taxé d’une forte amende m’apparaît normal. J’espère simplement que nous éviterons la suspension de stade." Pensera-t-on de la même manière à la commission de discipline de la LN?
Le joueur Éric Rapo
"Le club doit régler ce problème"
Le gardien vaudois Eric Rapo, qui a remplacé Pascal Zuberbühler (grippe intestinale) au pied levé dans la cage bâloise, aurait pu rêver d’une meilleure "première" sous le maillot du FCB. "C’est vrai que nous avons perdu le match à ne pas perdre. C’est d’autant plus rageant que je n’ai pratiquement rien eu à faire, et que je ne peux pas me reprocher quoi que ce soit sur les deux buts de GC."
Et, en plus, la rencontre a été émaillée par ces incidents. "Il faut que ça cesse, assène Eric Rapo! Pour tout le monde, ici à Bâle, on avait l’interdiction de perdre. Mais cela n’excuse pas ces débordements. On sentait bien, avant le coup d’envoi, qu’il y avait une tension particulière dans le stade. Mais cela n’excuse rien. En plus, on sait que ces lancers d’objets ont été le fait d’un groupe restreint. On parle d’un stade moderne avec des caméras vidéo: le club doit donc trouver ces personnes et les exclure définitivement, de manière à ce que notre "vrai" public et nous-mêmes ne subissions pas les conséquences des agissements de cette poignée d’imbéciles. Car ce n’est pas normal qu’il appartienne aux joueurs de faire la police au beau milieu d’un sommet pareil."
Les mardis du foot
Les chiffres
291 549
Comme le nombre de spectateurs qui ont suivi les onze matches à domicile du FC Bâle (moyenne: 26 504). Parmi eux, inévitablement, une poignée d’imbéciles perdus dans la masse. En comparaison, GC, champion d’automne suivi par 74 066 spectateurs (moyenne: 7407 par rencontre), signe un score décevant.
90 000
En francs suisses, le salaire mensuel que Liverpool, Manchester et Arsenal seraient chacun prêts à offrir à Philippe Senderos. Incapable de s’aligner financièrement, Servette a pourtant revu sa dernière offre à la hausse en proposant à son jeune défenseur un salaire de 100 000 francs... par an!
L’homme
Milaim Rama emmènera-t-il l’équipe de Suisse lors de son prochain match amical contre la Slovénie, le 12février à Nova Gorica? Machine à marquer avec 15 réussites, Rama précède Gimenez, Frei, Leandro et Nuñez au classement des buteurs , l’Albanais du Kosovo deviendra aujourd’hui même à Interlaken citoyen suisse (le passeport suivra). Pour fêter ça, le buteur de Thoune a levé deux fois les bras contre Wil. Auteur d’un hat-trick contre Saint-Gall, Akale (Zurich) a fait mieux encore.
L’équipe
A ceux qui, trop absorbés par les exploits rhénans en Ligue des champions, pouvaient en douter, il faudra compter avec GC au printemps. Si Xamax a su assurer sa place dans le tour final, que dire de la "performance" du Servette, incapable de faire le break sur son terrain? Les dirigeants "grenat" avaient fixé un ultimatum à Morinini (au moins 10 pts lors des 4 derniers matches). On en restera au mieux à huit unités. Vous pouvez en déduire que...
La phrase
"Bien sûr que les joueurs toucheront une prime, mais je ne sais plus de combien."
Signé Gilbert Facchinetti, président de Xamax. Tout dépendra peut-être du fameux (ou fumeux) million perdu quelque part en Italie...
Le couac
Victime d’un contrecoup européen, les héros de Saint-Jacques sont apparus fatigués, tant mentalement que physiquement, preuve que leur défaite contre ManU a laissé des traces. En laissant GC filer seul devant, Bâle a réalisé la mauvaise opération du week-end. D’autant qu’il n’y aura, pour les clubs suisses, qu’un ticket d’entrée pour la Ligue des champions.
La fête
Celle, en l’occurrence, de Karl Odermatt, fleuri par Gigi Oeri et fêtant avec quelques jours d’avance ses 60 ans (le 17 décembre). Le légendaire Karli a même eu droit à un supplément de... 16 pages encarté dans la presse locale.
L’info
On vous a répété que tout était joué pour le tour final. C’est faux, car il n’est pas certain du tout que Wil, qualifié sur le terrain, puisse offrir toutes les garanties financières réclamées par la Ligue suite à la déconfiture présidentielle que l’on sait. "On veut savoir où l’on va. On n’a pas envie de voir une équipe qui aligne des juniors en LNA", dit-on à la Ligue. Qui étudie le scénario d’un possible repêchage du neuvième. Quand l’on vous disait que Lucerne avait encore toutes ses chances...